« Le Rateau » et « Baudelaire de pacotilles… », deux poèmes d’Eric Mercier illustrés par Vincent Citot et Alice Cooper (son photographe)

Alice Cooper, album From the inside, 1978

Baudelaire de pacotilles

Mon cœur mis à nu

En essayant vainement

De dessiner des valves d’un rouge vif

De simuler avec mes deux mains

Aux doigts gourds

Engourdis par la solitude

Tordus de rhumatismes sentimentaux

De dessiner le symbole de l’amour

Et les bras levés

De le dresser

Vers le ciel

Un ciel dépourvu d’émotion

Qui ne donne que les réponses

Qui font celui-ci

Soleils gonflés, averses soudaines

Vent décoiffant

Les têtes qui s’idéalisent

Rêves somnolents

Ne prenant pas garde

A la minuscule insignifiance

D’un amour déçu

D’un amour perdu

Baudelaire de pacotilles

Mon cœur mis à nu

Avec mes vers

Immondes asticots

Qui rament avec hésitation

Sur la feuille

L’encre parfois devenant taches, explosions noires

Par mes larmes versées………

La Voie fantastique, photographie de Vincent Citot, 2021, France

LE RATEAU

Une valse surannée, qui emportait des robes fabriquées de photos sépia

Voilà comment dans l’idéal, dans son inconscient, tout recroquevillé

Voici comment auraient pu être les rêves de l’homme.

Mais ces arborescentes pensées divergeaient de la réalité.

Remous invisibles qui gravitent au gré des hélices de l’imaginaire, c’était la

Son quotidien.

Ce n’était qu’un pauvre hère, avec un baluchon de vent, un hobo, un clochard

Céleste qui se déplaçait de ville en ville, s’accrochant aux wagons de trains interminables

Rouillés jusqu’aux essieux, longue colonne qui crissait, couinait, grinçait, semblable

A un être mécanique gémissant, quémandant de l’huile et de la graisse.

Ces trains de marchandises étaient de pathétiques machines, elles avaient l’avantage

De parcourir les états unis de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud.

Finalement il avait abandonné le bord de la conscience, les hauteurs de la raison

Pour plonger dans les eaux profondes des désirs inassouvis.

Il avait été pris d’une lassitude soudaine, la chenille métallique était lente, il avait

Sauté lorsque celle-ci traversait un bois humide où les arbres retenaient des brumes

Bleues, des guirlandes légères.

L’endroit semblait préservé, comme dans un sylvestre âge d’or, quelques oiseaux invisibles

Poussaient un trille, puis c’était un bruit de feuilles secouées, sous les troncs couverts

De mousses gorgées de perles translucides, rampaient milles insectes aux carapaces moirées.

Il avançait à pas lents, il se posait enfin.

Aux pieds des chenus, moult broussailles en batailles qui cherchaient la lumière, gorgones

Ligneuses, dans ses chevelures hystériques des billes d’onyx brillaient, renards de braises

Lièvres essoufflés, musaraignes recroquevillées.

Une clairière était dorénavant devant lui, un cercle ambré, un rond de fées pour l’instant

Volatiles comme une pensée d’enfant.

Le sol était couvert de larges feuilles, les peaux mortes des arbres, elles avaient diverses

Tonalités, du brun au rouge sanguin, du pourpre au jaune pâle, de l’orange au presque noir.

L’homme se disait que lorsque Nix en toge d’étoiles apparaissait au dessus des futaies

Les émus de la nuit devaient peupler de leurs appels, chants métronomes, les esprits

Anciens des telluriques vibrations.

Un éclat particulier l’avait intrigué.

Il s’était approché.

La chose était un vieux râteau, au manche blanchi, poli par l’usage, il lui manquait des dents

Son sourire ressemblait à celui d’un vieillard d’éternité qui malgré tout continue à être heureux.

L’homme s’était emparé de lui, puis avec concentration s’était mis à ratisser les feuilles mortes.

Alors du tas formé, le corps d’une femme végétale avait pris consistance, un ondoiement

De sa longue chevelure faisait comme un résumé des couleurs de la forêt.

Il s’était mis à savamment brosser cette immense toison.

En œuvrant il lui avait sembler entendre le râteau rire, d’une rire métallique…….

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